Pubs ou contenus ? L'économie de l'attention en quelques mots
Dernière mise à jour : 22 juin

Poser les bases des mécanismes qui sous-tendent au fonctionnement même des plateformes sociales demeure nécessaire pour comprendre quelles sont les règles du jeu.
Les médias sociaux (Facebook, Instagram, TikTok...) sont les principaux acteurs de ce que l'on nomme "l'économie de l'attention". En résumé, on peut expliquer la nature du marché comme ceci :
une offre abondante donc dévalorisée | L'extrême quantité de messages et d'informations proposée par différents acteurs antagonistes
en compétition pour capter :
une ressource rare donc fortement valorisée | L'attention de l'audience, qui n'est ni infinie ni extensible, difficilement cultivable et surtout sursollicitée.
Les plateformes proposent ainsi quantité de services commerciaux et non commerciaux pour gérer la ressource et maximiser sa valeur.
L'efficacité de ces services dépendra à son tour de l’exécution de techniques de captation de l'attention appliquées au message à transmettre (composition visuelle, rédaction commerciale, publicitaire, gestion de communauté...).
Malgré tout, l'abondance de message VS la rareté de l'attention rend l'existence même du message extrêmement aléatoire.
Payant VS gratuit : l'illusion du choix, l'attractivité des plateformes
Le premier modèle est purement transactionnel, il s'agit de la publicité. Cela revient à payer pour que le message soit exposé à coup sûr auprès d'une audience spécifique, dite qualifiée. L'attention de l'audience est d'autant plus chère que l'on est en mesure de définir avec justesse ses centres d'intérêt.
Parce que les plateformes proposent un marché publicitaire souvent immense (75% des Français de 5 ans et + ont un compte Facebook, par exemple) et incroyablement bien renseigné, leurs potentiels et promesses s'imposent naturellement.
Le second modèle, dit gratuit, permet de concourir au jeu de l'attention sans mettre la main au portefeuille (même si la création coûte en elle-même, à minima, le temps de sa réalisation). Les plateformes se rémunèrent sur les flux de données récupérées par une masse de contenus qui ne leur coûte rien en frais de création (puisque totalement à la charge de l'utilisateur). Ce sont ces mêmes flux de données qui permettent d'affiner leur marché publicitaire et donc de proposer des services commerciaux plus pointus, plus efficaces, plus incontournables et immensément rentables.
Si le modèle publicitaire semble plus simple, plus sûr, plus rapide, plus efficace, pourquoi ne pas s'en contenter ?
Simplement parce qu'il dépend entièrement du second pour exister, que son efficacité est (et a toujours été) exagérée, qu'il perd en efficacité après des décennies d'enfumage à son égard, qu'il ne s'inscrit que dans un but commercial qui n'a que peu d'intérêt en soi et, donc, qui n'a que peu de potentiel d'attractivité par lui-même. C'est parce que tata Jacqueline et ses amies, votre voisine, vos enfants, leurs profs et vos parents racontent leur vie sur les réseaux, partagent, likent et jugent ce qu'on leur propose que les plateformes amassent des données pertinentes.
Dans la masse de leurs échanges - partages et contenus "créés par l'utilisateur" - elles masquent de surcroît leur véritable nature : n'être qu'une concentration infinie des panneaux publicitaires géants et incessants. Ce qui n'aurait rien de ragoutant si on venait à le dépouiller de cette caution sociale, convenons-en.
On ne crée pas de communauté avec de la publicité.
On ne fait pas vivre de groupe avec de la réclame.
On ne favorise pas les liens par la seule promotion.
Les objectifs marketing s'inscrivent toujours dans une logique de court terme, de moyen terme ou de long terme. La pub excelle à court terme, se ramasse lamentablement dans le temps long. La création de contenus vit une toute autre vie : elle est faiblarde au démarrage, se renforce dans la répétition et déploie son plein potentiel sur la durée.
Chasseurs-cueilleurs VS éleveurs : l'attention est une ressource vitale
Soyons clairs, toute entreprise est parfaitement en droit d'exploiter les mânes d'un public parfaitement catégorisé, et censément réceptif, sans participer à l'entretien de celui-ci. Mais il ne remplira jamais qu'un objectif d'acquisition ponctuel (d'audience, de marché) qu'il devra activer à un autre endroit (un site internet, en général).
A contrario, une entreprise ne doit pas avoir pour seule ambition d'entretenir le marché pour les autres, c'est aux particuliers de contribuer à la diversité de leur écosystème.
Malgré tout, les entreprises disposent de tout autant de raisons et de légitimité que les particuliers à créer du contenu qui partage leurs visions, valeurs, missions et services immédiats. Elles doivent simplement garder en mémoire que la communication sans raison ne participe qu'au bruit et ne remplit aucun objectif.
Orienter son action est la marque d'une communication réfléchie, professionnelle, rassembleuse, qui facilite l'identification du public et donc son adhésion, puis, in fine, sa conversion. Créer et alimenter une communauté se fait dans un but d'exploitation de ladite communauté (à son avantage, selon ses intérêts, si l'on souhaite que ça dure).
L'histoire de l'humanité veut que ce soit l'élevage qui ait garanti le développement civilisationnel sur le long terme.
La planification de la ressource permet de l'exploiter méthodiquement de manière prévisionnelle. Contrairement aux prélèvements de la chasse qui n'obéissent qu'à des nécessités de court terme tout en restant soumis aux aléas de la disponibilité et de la concurrence.
Cigales VS Fourmis, il n'est plus besoin de choisir, vous pouvez être les deux, mais comme le veut la fable, l'un reste plus besogneux que l'autre.
Jouer le jeu de l'économie de l'attention
On ne joue pas tant le jeu de l'économie de l'attention qu'on en vient à le subir. Les plateformes dépendent de leur attractivité, du temps qu'on leur consacre et de l'attention mobilisable de leur audience aux bénéfices de leurs annonceurs. Ce sont elles qui travaillent aux ressorts de viralité, de dépendance et visibilité de ce qui assure leur succès.
Votre seule prise sur le sujet reste de vous intéresser à ces mécaniques - formats et algorithme de recommandation - pour les exploiter à votre avantage, de peaufiner vos messages pour les rendre irrésistibles et de ne pas mégoter sur la réalisation de la plus petite apparition en ligne, car elle vous engage et pèse sur votre réputation (auprès de vos clients, auprès des algorithmes).
Être présent sur les réseaux sociaux, sous des airs faussement évidents, faciles, abordables et sans prise de tête, reste peut-être l'environnement le plus exigeant pour qui souhaite en tirer quelques bénéfices.
Comme à chaque fois en ce qui concerne le marketing, ne partez au petit bonheur la chance, réfléchissez avant d'agir.