Simplement exposé, gentiment cornaqué
Dernière mise à jour : 27 oct. 2022

La répétition fait la réputation. C’est bien ça, Marcel* ?
Plus un message ou un objet apparait dans votre entourage, plus vous avez de chances d’en avoir un avis positif.
C’est l’effet de simple exposition.
Un biais cognitif dont les politiques et les publicitaires abusent, encore aujourd’hui, jusqu’à la nausée. Particulièrement puissant, il inscrit son sujet dans le quotidien des cibles exposées. Qu’il s’agisse d’une idée, d’un comportement, ou d’un bien ; le matraquage participe à sa notoriété et à son acceptation.
On pourrait croire que c’est magique.
Qu’il suffit de répéter un message à l’envi pour que ça marche !
Mais ce n’est pas si évident.
L’effet de simple exposition ne fournit qu’une chance accrue de générer une réponse positive au dit message. On ne parle pas de fanatisme, mais bien d’apriori positif. Il reste encore du boulot pour le faire adopter, et autant de biais ou d’effets à actionner.
La subtilité et la créativité sont de mise.
Grand-mère savait-elle faire du bon café ?
Le monde d’avant c’est la pub de masse déclinée sur des médias de masse.
De cette manière, il y a de fortes chances que si je vous dis « voiture », « soda » ou « appareil photo » vous visualisiez une marque avant un usage. Ou que votre cerveau vous chante un slogan réflexe, raccourci de pensée bien commode.
L’utilisation de l’effet de simple exposition est une composante majeure de la publicité de masse. À force d’exposition, on semble sympathique, ou efficace.
On EST la réalité quotidienne.
Mais le monde d’avant c’était un accès à la diffusion parfaitement contrôlé. S’il existe encore des barrières à l’entrée, il faut reconnaître qu’entre autres choses, ça s’est libéralisé.
Les nouveaux médias — qui n’ont de nouveau que le fait de l’avoir été pour nombres de décideurs encore aux manettes — rebattent ces cartes. Maladroitement. L’option publicitaire est encore un réflexe tristement automatique.
Cette croyance que d’en ajouter au bruit et à la guerre de l’attention demeure la seule voie envisageable est rassurante. Ça va de pair avec le vocabulaire guerrier et la vision de la compétition comme loi universelle.
D’autant plus que la pub garde un peu de jus et d’efficacité.
Mais elle ne suffit plus à elle-même.
Tant que ce sera le cas, on aura droit au matraquage.
Et même après.
Les croyances ont la vie dure.
Le monde d’après n’est pas plus sain. Il est juste plus embouteillé.
L’attention ne se vole plus, elle se mérite.
Les efforts pour la gagner sont immenses.
Vous pensez que les marketeurs pondent du contenu au kilomètre dans le meilleur intérêt du prospect ? C’est le cas. Mais pas que.
Ils le font parce que c’est devenu le seul moyen d’exister.
Puisque tout le monde a la parole, il faut se faire entendre.
Le contenu est la pub du 21e siècle.
Ceux qui se taisent restent dans la même situation que ceux qui ne pouvaient payer leur droit d’entrer.
Mais cette fois-ci, ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux même.
Attention à l’économie et économie de l’attention
Avant, vous pouviez payer des gens très cher pour qu’ils fassent un pari créatif qui risquait de faire flop. Enfin pas trop. Même en étant nul, squatter les yeux et les oreilles des gens suffisait à faire le job.
Ça, c’était la pub de masse pour les médias de masse.
Vous ne pouvez toujours pas payer le droit d’entrée.
Ça marche moins bien, les centres d’attention ont changé.
Maintenant, vous pouvez payer des gens moins cher — mais plus souvent — pour qu’ils parlent de vous.
Mais à qui ?
à ceux qui peuvent vous voir
à ceux qui vous cherchent
à ceux qui en ont quelque chose à faire de vous
C’est long, c’est incertain sur le court terme, c’est douloureux, ce n’est même pas si bon marché que ça, mais ça s’inscrit dans la durée.
Vous noterez aussi que ceux susceptibles de vous écouter sont aussi plus enclin à nourrir quelques bons sentiments à votre égard.
Il ne s’agit tant plus de faire croire à ce que vous faites que de le montrer.
Moins de chasser que d'accueillir. Plus vous commettrez de contenu, plus vous multiplierez les chances que ça réponde aux besoins de quelqu’un. Plus vous créerez du contenu, plus vous rassurerez sur votre sérieux.
Si vous n’avez pas les moyens de payer quelqu’un pour ce faire, vous pouvez vous en occuper vous-même. Mais vous payerez alors de votre temps, qui est votre argent.
Vous ne savez peut-être même pas faire, ou grossièrement.
Mais ce n’est pas grave. Fait et mieux que parfait, non ?
Pour le moment, c’est suffisant. Mais tout se professionnalise.
Alors si vous le pouvez : déléguez.
Ou faites-vous aider.
Vos concurrents ont sans doute déjà appliqué ce conseil.
Ça, c’est une stratégie de contenu sur des médias que vous possédez (votre site) ou que vous nourrissez (les réseaux sociaux, qui s’engraissent de vos contenus).
Soyez visibles, soyez présents.
Vous activerez bien plus que l’effet de simple exposition.
Et sinon, pas de panique. La pub existe encore.
Elle a même sa place et son rôle à jouer.
Mais de Reine, elle est devenue laquais.
Vous n’avez pas forcément envie d’y mettre le même investissement.
* Marcel Bleustein-Blanchet, publicitaire français fondateur, entre autres, de Publicis. Un entrepreneur qui aura laissé sa marque dans la société, assurément.